il n'existe aucun mot ancien dans la plupart des quelques mille langues
encore parlées en Afrique qui traduise convenablement le mot ‘art’ Kwame Anthony Appiah, 2019
La nécessité d’une plus grande inclusivité dans le monde de l’art
impose de trouver une alternative aux préceptes esthétiques et critères
de jugement qui ont favorisé l’exclusion de pratiques artistiques
désignées comme « autres » par l’histoire de l’art canonique occidentale
(l’art moderne et contemporain versus l’art populaire, folk art, art primitif, Weltkunst, art amateur, art brut, outsider art, junk art, ethnic art, grassroots art, street art, digital folklore…).
Pour parvenir à changer de focale, ce Think.Zone propose de prendre une tangente inspirée par les avancées récentes des visual studies et de l’anthropologie visuelle, et plus particulièrement autour des notions de performativité et d’agentivité des artefacts ou des images-objets (pour prendre des termes plus inclusifs que celui d’œuvre d’art).
Dans le contexte de l’art occidental, on prête à ceux-ci depuis le 18e
siècle la mission de bousculer nos percepts, d’exacerber la sensibilité,
d’élargir le champ de conscience, de façonner la subjectivité… Les
artefacts agiraient sur nous. Et en retour, nous agissons sur eux : nous
leur prêtons des intentions, ils s’enrichissent de nos interprétations,
leur pouvoir de fascination s’accroît et leur effectivité aussi.
Véritables « technologies de l’enchantement » (A. Gell), ils ne seraient
pas seulement les véhicules passifs d’une communication symbolique à
déchiffrer, ce sont des « agents » qui articulent et exercent des
rapports au monde au sein d’un réseau. Dans le passé et dans d’autres
cultures - ou de manière périphérique et/ou refoulée en Occident - ce
rôle relationnel est plus manifeste encore : les artefacts ont servi et
servent encore à accéder à des entités invisibles, à protéger, à
soigner, à influer le cours de l’existence, à transmettre des
connaissances, à affirmer des valeurs communes, à commémorer, à résoudre
des situations, à rassembler, à célébrer, à asseoir le pouvoir de
cell-eux qui ont favorisé leur existence…
Nous chercherons à dépasser, dans ce Think.Zone, l’approche
esthétique pour nous pencher sur les usages, les pratiques et les
relations que les artefacts génèrent et agencent. Nous relierons à cette
démarche théorique d’autres concepts historiques connexes tels que
l’animisme, l’analogisme, le vitalisme, le mana, le fétichisme, le
syndrome de Stendhal, la Gestalt, l’inquiétante étrangeté, l’aura,
l’objet transitionnel, la transfiguration du banal, l’agencement,
l’acteur-réseau, l’esthétique relationnelle, le dispositif, la cognition
incarnée (embodiment), l’objectophilie, le néo-animisme technologique…
Dans le cadre de "Décoloniser des identités"
Ce Think.Zone se déroule en français. Les cours sont crédités en fonction de l'assiduité et de la participation.