Avec les secteurs de la santé et de la réadaptation, le domaine de l’éducation est l’un des plus impliqués auprès des personnes en situations de handicap.

L’histoire du handicap est jalonnée de trajectoires d’exclusion et de discriminations dont ont été victimes les personnes concernées. Le handicap a longtemps été défini à partir des déficits et incapacités des personnes selon un modèle médical. C’est seulement dans les trente dernières années que les situations de handicap ont été redéfinies comme la résultante de caractéristiques individuelles en interaction avec des facteurs environnementaux. D’autre part, les personnes en situations de handicap sont devenues plus nombreuses dans notre société : avec les progrès médicaux et le vieillissement de la population, l’OMS estimait en 2011, dans son dernier rapport mondial, qu’elles représentent 15% de notre population et que cette proportion pourrait augmenter.

Ces transformations sociétales contribuent à modifier l’accompagnement et les interventions proposées à ces personnes, et ce tout au long de leur vie (soutien aux familles, accueil en crèche, scolarité, travail, formation continue, culture, vie affective et sexuelle, loisirs, etc.). Longtemps exclusives, parfois surprotectrices, souvent ségrégatives, les politiques du handicap évoluent actuellement vers un paradigme inclusif qui vise la participation sociale des personnes concernées dans les différents domaines de la vie.

Ce changement de paradigme, qui renverse les relations de pouvoir entre les personnes en situations de handicap, le milieu de l’intervention et celui de la recherche, oblige les professionnel·le·s et les chercheur·e·s à repenser leur pratique et amène les milieux d’études concernés par le handicap à lui accorder une place plus grande dans leur programme académique (sciences de l’éducation, travail social, médecine, droit, sciences sociales, etc.). Il existe par exemple des Masters spécifiques qui concernent le domaine du handicap dont l’un à l’Université de Genève en Sciences de l’éducation et d’autres récents en France et en Belgique.

 

Les pays anglo-saxons ont développé depuis une vingtaine d’années un courant de recherche nommé : « disability studies ». Alors que les « disability studies » ont acquis dans ces pays un statut académique autonome au même titre que les « women studies » ou les « ethnic studies », elles émergent seulement aujourd’hui en Europe et en Suisse. Leur apparition tardive met en lumière l’incapacité qu’ont eue jusqu’à ce jour les disciplines traditionnelles de considérer les questions liées au handicap dans une perspective autre que celles de la clinique et de la médecine. Les recherches en « disability studies » sont diversifiées, interdisciplinaires, et se caractérisent notamment par le fait de s’intéresser au vécu des personnes, dont les situations de handicap sont analysées comme la résultante de caractéristiques individuelles en interaction avec un contexte social, culturel, historique, économique et politique.

Les « disability studies » insistent sur la mise en évidence des compétences des personnes en situations de handicap qui sont reconnues au même titre que celles du ou de la chercheur·e ; le savoir se co-construit ainsi avec les personnes concernées qui participent à l’ensemble de la démarche de recherche en y déployant différents degrés d’expertise. Ces recherches visent à promouvoir l’autodétermination, la participation et la citoyenneté des personnes en situations de handicap. Elles visent également la transformation politique des relations entre les personnes en situations de handicap, la société et l’Etat : on parle alors de recherches émancipatrices. L’analyse des enjeux des « disability studies » permet d’interroger la manière dont la recherche contribue à la stigmatisation vs l’émancipation de groupes minoritaires, et peut servir à la modélisation d’autres démarches de recherche participative dans le domaine social ou éducatif.

Ces deux journées de colloque thématique et méthodologique exposeront d’abord les changements de paradigme dans l’accompagnement des personnes en situations de handicap ainsi que les variations conceptuelles sur le thème de l’inclusion et les implications de ces changements sur la recherche. La première journée combinera des conférences, des partages d’expériences de recherches et une analyse des enjeux de la recherche dans le champ du handicap. Des chercheur·e·s se situant dans le courant des « disability studies » seront réparti·e·s selon 4 ateliers thématiques: 1) Accessibilité et contribution sociale ; 2) Art et culture et 3) Citoyenneté et apprentissage à la démocratie. 4) Vie affective, sexuelle et amoureuse. Ils/elles présenteront leur recherche et en analyseront les enjeux conceptuels et méthodologiques. La deuxième journée abordera les concepts d’autodétermination et d’empowerment étroitement liés à ce type de démarche. L’après-midi de la deuxième journée consistera en un séminaire de recherche qui permettra aux doctorant·e·s de présenter et discuter leur recherche en cours.

Trois objectifs principaux seront poursuivis : a) mieux connaitre le courant des recherches nommées : « disability studies » ; b) partager des expériences de ce type de démarche, afin d’en percevoir les enjeux, les avantages et difficultés ; c) Situer ce courant de recherche et en questionner la pertinence par rapport à votre thème de thèse.